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Page:De Sales - Introduction à la vie dévote, 1619, édition Boulenger, 1909.pdf/325

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par condescendance à rire, jouer, danser avec le monde, il s’en scandalisera ; si nous ne le faisons pas, il nous accusera d’hypocrisie ou mélancolie ; si nous nous parons, il l’interprétera à quelque dessein ; si nous nous démettons, ce sera pour lui vileté de cœur ; nos gaîtés seront par lui nommées dissolutions, et nos mortifications tristesses ; et nous regardant ainsi de mauvais œil, Jamais nous ne pouvons lui être agréables. Il agrandit nos imperfections et publie que ce sont des péchés ; de nos péchés véniels, il en fait des mortels ; et nos péchés d’infirmité, il les convertit en péchés de malice. En lieu que, comme dit saint Paul, « la charité est bénigne », au contraire le monde est malin ; au lieu que « la charité ne pense point de mal », au contraire le monde pense toujours mal ; et quand il ne peut accuser nos actions, il accuse nos intentions. Soit que les moutons aient des cornes ou qu’ils n’en aient point, qu’ils soient blancs ou qu’ils soient noirs, le loup ne laissera pas de les manger, s’il peut.

Quoi que nous fassions, le monde nous fera toujours la guerre : si nous sommes longuement devant le confesseur, il demandera que c’est[1] que nous pouvons tant dire ; si nous y sommes peu, il dira que nous ne disons pas tout. Il épiera tous nos mouvements, et pour une seule petite parole de colère, il protestera que nous sommes insupportables ; le soin de nos affaires lui semblera avarice, et notre douceur, niaiserie ; et quant aux enfants du monde, leurs colères sont générosités,

  1. Ce que c’est.