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Page:De Sales - Introduction à la vie dévote, 1619, édition Boulenger, 1909.pdf/333

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la coupa avec les dents et la cracha sur le visage de cette vilaine âme, qui tourmentait la sienne plus cruellement par la volupté, que les bourreaux n’eussent jamais su faire par les tourments ; aussi le tyran, qui se défiait de la vaincre par les douleurs, pensait la surmonter par ces plaisirs.

L’histoire du combat de sainte Catherine de Sienne en un pareil sujet est du tout admirable : en voici le sommaire. Le malin esprit eut congé de Dieu d’assaillir la pudicité de cette sainte vierge, avec la plus grande rage qu’il pourrait, pourvu toutefois qu’il ne la touchât point. Il fit donc toutes sortes d’impudiques suggestions à son cœur, et pour tant plus l’émouvoir, venant avec ses compagnons en forme d’hommes et de femmes, il faisait mille et mille sortes de charnalités et lubricités à sa vue, ajoutant des paroles et semonces très déshonnêtes ; et bien que toutes ces choses fussent extérieures, si est-ce que par le moyen des sens elles pénétraient bien avant dedans le cœur de la vierge, lequel, comme elle confessait elle-même, en était tout plein, ne lui restant plus que la fine pure volonté supérieure, qui ne fût agitée de cette tempête de vilenie et délectation charnelle. Ce qui dura fort longuement, jusques à tant qu’un jour Notre Seigneur lui apparut, et elle lui dit : « Où étiez-vous, mon doux Seigneur, quand mon cœur était plein de tant de ténèbres et d’ordures ? » A quoi il répondit : « J’étais dedans ton cœur, ma fille », — « Et comment, répliqua-t-elle, habitez-vous dedans mon cœur, dans lequel il y avait tant de vilenies ? habitez-vous donc en des lieux si déshonnêtes ? » Et Notre Seigneur lui dit : « Dis-moi, ces tiennes sales cogitations de ton cœur te donnaient-elles plaisir ou