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Page:De Sales - Introduction à la vie dévote, 1619, édition Boulenger, 1909.pdf/334

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tristesse, amertume ou délectation ? » Et elle dit : « Extrême amertume et tristesse ». Et lui répliqua : « Qui était celui qui mettait cette grande amertume et tristesse dedans ton cœur, sinon moi qui demeurais caché dedans le milieu de ton âme ? Crois, ma fille, que si je n’eusse pas été présent, ces pensées, qui étaient autour de ta volonté et ne pouvaient l’expugner, l’eussent sans doute surmontée et seraient entrées dedans, eussent été reçues avec plaisir par ton libéral[1] arbitre, et ainsi eussent donné la mort à ton âme ; mais parce que j’étais dedans, je mettais ce déplaisir et cette résistance en ton cœur, par laquelle il se refusait tant qu’il pouvait à la tentation, et ne pouvant pas tant qu’il voulait, il en sentait un plus grand déplaisir et une plus grande haine contre icelle et contre soi-même ; et ainsi ces peines étaient un grand mérite et un grand gain pour toi, et un grand accroissement de ta vertu et de ta force ».

Voyez-vous, Philothée, comme ce feu était couvert de la cendre, et que la tentation et délectation était même entrée dedans le cœur et avait environné la volonté, laquelle seule, assistée de son Sauveur, résistait par des amertumes, des déplaisirs et détestations du mal qui lui était suggéré, refusant perpétuellement son consentement au péché qui l’environnait. O Dieu, quelle détresse a une âme qui aime Dieu, de ne savoir seulement pas s’il est en elle ou non, et si l’amour divin, pour lequel elle combat, est du tout éteint en elle, ou non ! Mais c’est la fine fleur de la perfection de l’amour céleste que de faire

  1. Libre.