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Page:De Sales - Introduction à la vie dévote, 1619, édition Boulenger, 1909.pdf/354

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l’homme, qui est, selon le dire des Anciens, un abrégé du monde ; car jamais il n’est en un même état, et sa vie écoule sur cette terre comme les eaux, flottant et ondoyant en une perpétuelle diversité de mouvements, qui tantôt l’élèvent aux espérances, tantôt l’abaissent par la crainte, tantôt le plient à droite par la consolation, tantôt à gauche par l’affliction, et jamais une seule de ses journées, ni même une de ses heures, n’est entièrement pareille à l’autre.

C’est un grand avertissement que celui-ci : il nous faut tâcher d’avoir une continuelle et inviolable égalité de cœur, en une si grande inégalité d’accidents, et quoique toutes choses se tournent et varient diversement autour de nous, il nous faut demeurer constamment immobiles à toujours regarder, tendre et prétendre à notre Dieu. Que le navire prenne telle route qu’on voudra, qu’il cingle au ponant ou levant, au midi ou septentrion, et quelque vent que ce soit qui le porte, jamais pourtant son aiguille marine ne regardera que sa belle étoile et le pôle. Que tout se renverse sans dessus dessous, je ne dis pas seulement autour de nous, mais je dis en nous ; c’est-à-dire que notre âme soit triste, joyeuse, en douceur, en amertume, en paix, en trouble, en clarté, en ténèbres, en tentations, en repos, en goût, en dégoût, en sécheresse, en tendreté ; que le soleil la brûle ou que la rosée la rafraîchisse, ah ! si faut-il pourtant qu’à jamais et toujours la pointe de notre cœur, notre esprit, notre volonté supérieure, qui est notre boussole, regarde incessamment et tende perpétuellement à l’amour de Dieu son Créateur, son Sauveur, son unique et souverain bien. « Ou que nous vivions ou que nous mou-