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Page:De Sales - Introduction à la vie dévote, Curet, 1810.djvu/269

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Ceux qui ont mangé de méchant miel, sont aussi frappés d’un tournoiement de tête, et de beaucoup de vertiges ; et la fausse amitié cause un dangereux étourdissement d’esprit, qui fait chanceler à tout moment une personne dans la voie du salut ; car c’est de la que procèdent la tendresse et la mollesse des regards, les démonstrations sensuelles, les soupirs déréglés, les plaintes affectées sur le défaut de correspondance, les contenances étudiées, les manières enjouées et insinuantes, les demandes de plusieurs mauvaises marques d’amitié ; présage certain de la ruine prochaine de toute honnêteté. Mais l’amitié sainte n’a des yeux que pour la pudeur, ni des démonstrations que pour la pureté et la sincérité, ni des soupirs que pour le Ciel, ni de la libéralité que pour l’esprit, ni des plaintes que pour l’intérêt de Dieu qui n’est pas aimé : marques infaillibles d’une honnêteté parfaite.

Le miel d’Héraclée trouble la vue ; et l’amitié mondaine trouble si fort le jugement, que l’on ne distingue plus le bien et le mal, et que l’on prend pour de vraies raisons, les prétextes les plus mal fondés, que l’on craint la lumière, et que l’on aime les ténèbres. Mais l’amitié sainte a les yeux clairvoyans, ne se cache point, et se montre même volontiers aux gens de bien.

Enfin, ce miel empoisonné laisse une grande amertume à la bouche, quelque