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Page:De Sales - Introduction à la vie dévote, Curet, 1810.djvu/281

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Je dirois volontiers ce que saint Jérôme dit à la pieuse Dame Leta : les jeûnes longs et immodérés me déplaisent fort, surtout en ceux qui sont encore dans un age tendre. J’ai appris par expérience, que les petits ânons étant las du chemin, cherchent à s’en écarter : je veux dire par là, que les jeunes gens à qui l’excès du jeûne a causé quelque infirmité, se laissent aisément aller à une vie délicate et molle. Les cerfs courent mal en deux temps, quand ils sont trop chargés de venaison, et quand ils sont trop maigres ; et nous autres nous sommes exposés à de grandes tentations en deux états, à savoir quand le corps est trop nourri, et quand il est trop abattu. Dans le premier état, il devient rebelle, et dans l’autre il ne se croit plus capable de rien : de sorte que comme nous ne pouvons le porter, quand il a trop d’embonpoint, aussi ne peut-il nous porter quand il est trop affoibli. L’usage excessif des jeûnes, des disciplines, des haires et de toutes les austérités, rend inutiles aux emplois de la charité les meilleures années de plusieurs personnes, ainsi qu’il arriva à saint Bernard, qui se repentit bien de sa vie trop austère ; et l’on voit souvent que pour avoir trop maltraité sa chair dans les commencemens, on est contraint de la flatter à la fin. N’auroit-il pas mieux valu en avoir un soin modéré, égal, proportionné aux peines et aux travaux de son état ?