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Page:De Staël – De l’Allemagne, Tome 1, 1814.djvu/220

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DE L’ALLEMAGNE

des vieillards. Le vieux temps étoit représenté par ces hommes âgés pour nous, mais si jeunes en présence des siècles ! Je ne sais quel air de confiance dans tous ces êtres foibles touchoit profondément, parce que cette confiance ne leur étoit inspirée que par la loyauté de leur âme. Les yeux se remplissoient de larmes au milieu de la fête, comme dans ces jours heureux et mélancoliques où l’on célèbre la convalescence de ce qu’on aime.

Enfin les jeux commencèrent, et les hommes de la vallée et les hommes de la montagne montrèrent, en soulevant d’énormes poids, en luttant les uns contre les autres, une agilité et une force de corps très-remarquables. Cette force rendoit autrefois les nations plus militaires ; aujourd’hui que la tactique et l’artillerie disposent du sort des armées, on ne voit dans ces exercices que des jeux agricoles. La terre est mieux cultivée par des hommes aussi robustes ; mais la guerre ne se fait qu’à l’aide de la discipline et du nombre, et les mouvements même de l’âme ont moins d’empire sur la destinée humaine depuis que les individus ont disparu dans les masses, et que le genre humain semble dirigé comme la nature inanimée par des lois mécaniques.