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Page:De Staël – De l’Allemagne, Tome 1, 1814.djvu/226

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LA LITTÉRATURE ET LES ARTS

c’est-à-dire l’autorité littéraire sous laquelle on vit à telle ou telle époque.

La première condition pour écrire, c’est une manière de sentir vive et forte. Les personnes qui étudient dans les autres ce qu’elles doivent éprouver, et ce qu’il leur est permis de dire, littérairement parlant, n’existent pas. Sans doute nos écrivains de génie (et quelle nation en possède plus que la France !) ne se sont asservis qu’aux liens qui ne nuisaient pas à leur originalité : mais il faut comparer les deux pays en masse, et dans le temps actuel, pour connoitre à quoi tient leur difficulté de s’entendre.

En France on ne lit guère un ouvrage que pour en parler ; en Allemagne, où l’on vit presque seul, l’on veut que l’ouvrage même tienne compagnie ; et quelle société de l’âme peut-on faire avec un livre qui ne seroit lui-même que l’écho de la société ! Dans le silence de la retraite, rien ne semble plus triste que l’esprit du monde. L’homme solitaire a besoin qu’une émotion intime lui tienne lieu du mouvement extérieur qui lui manque.

La clarté passe en France pour l’un des premiers mérites d’un écrivain ; car il s’agit aant tout de ne pas se donner de la peine, et d’attra-