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Page:De Staël – De l’Allemagne, Tome 1, 1814.djvu/227

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POURQUOI LES FRANÇAIS, etc.

per, en lisant le matin, ce qui fait briller le soir en causant. Mais les Allemands savent que la clarté ne peut jamais être qu’un mérite relatif : un livre est clair selon le sujet et selon le lecteur. Montesquieu ne peut être compris aussi facilement que Voltaire, et néanmoins il est aussi lucide que l’objet de ses méditations le permet. Sans doute il faut porter la lumière dans la profondeur ; mais ceux qui s’en tiennent aux grâces de l’esprit, et au jeu des paroles, sont bien plus sûrs d’être compris : ils n’approchent d’aucun mystère, comment donc seroient-ils obscurs ? Les Allemands, par un défaut opposé, se plaisent dans les ténèbres ; souvent ils remettent dans la nuit ce qui étoit au jour, plutôt que de suivre la route battue ; ils ont un tel dégoût pour les idées communes, que, quand ils se trouvent dans la nécessité de les retracer, ils les environnent d’une métaphysique abstraite qui peut les faire croire nouvelles jusqu’à ce qu’on les ait reconnues. Les écrivains allemands ne se gênent point avec leurs lecteurs ; leurs ouvrages étant reçus et commentés comme des oracles, ils peuvent les entourer d’autant de nuages qu’il leur plaît ; la patience ne manquera point pour écarter ces nuages ; mais il faut qu’à la fin on aperçoive une divinité : car, ce que les Alle-