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Page:De Staël – De l’Allemagne, Tome 1, 1814.djvu/234

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LA LITTÉRATURE ET LES ARTS

encore plus loin quand elle n’a point de bornes ni même de but déterminé, et que, sans cesse en rapport avec l’immense et l’infini, aucun intérêt ne la ramène aux choses de ce monde.

Toutes les fois qu’une idée se consolide, c’est-à-dire qu’elle se change en institution, rien de mieux que d’en examiner attentivement les résultats et les conséquences, de la circonscrire et de la fixer : mais quand il s’agit d’une théorie, il faut la considérer en elle-même. Il n’est plus question de pratique, il n’est plus question d’utilité, et la recherche de la vérité dans la philosophie, comme l’imagination dans la poésie, doit être indépendante de toute entrave.

Les Allemands sont comme les éclaireurs de l’armée de l’esprit humain ; ils essaient des routes nouvelles, ils tentent des moyens inconnus ; comment ne seroit-on pas curieux de savoir ce qu’ils disent au retour de leurs excursions dans l’infini ? Les Anglais, qui ont tant d’originalité dans le caractère, redoutent néanmoins assez généralement les nouveaux systèmes. La sagesse d’esprit leur a fait tant de bien dans les affaires de la vie, qu’ils aiment à la retrouver dans les études intellectuelles ; et c’est là cependant que l’audace est inséparable du génie. Le génie, pourvu