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Page:De Staël – De l’Allemagne, Tome 1, 1814.djvu/266

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LA LITTÉRATURE ET LES ARTS

tances qu’il déduisoit toutes des plus légers indices. C’est ainsi qu’il faut prendre l’érudition pour guide à travers l’antiquité ; les vestiges qu’on aperçoit sont interrompus, effacés, difficiles à saisir : mais, en s’aidant à la fois de l’imagination et de l’étude, on recompose le temps, et l’on refait la vie.

Quand les tribunaux sont appelés à décider sur l existence d’un fait, c’est quelquefois une légère circonstance qui les éclaire. L’imagination est, à cet égard, comme un juge ; un mot, un usage, une allusion saisie dans les ouvrages des anciens, lui sert de lueur pour arriver à la connoissance de la vérité toute entière.

Winckelmann sut appliquer à l’examen des monuments des arts l’esprit de jugement qui sert à la connoissance des hommes ; il étudie la physionomie d’une statue comme celle d’un être vivant. Il saisit avec une grande justesse les moindres observations, dont il sait tirer des conclusions frappantes. Telle physionimie, tel attribut, tel vêtement, peut tout à coup jeter un jour inattendu sur de longues recherches. Les cheveux de Cérès sont relevés avec un désordre qui ne convient pas à Minerve : la perte de Proserpine a pour jamais troublé l’âme de sa mère. Minos,