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Page:De Staël – De l’Allemagne, Tome 1, 1814.djvu/292

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LA LITTÉRATURE ET LES ARTS

vrai pour se prêter à ces antithèses, qui ne présentent jamais les idées ni les images dans leur parfaite sincérité ni dans leurs plus exactes nuances. L’harmonie des hexamètres, et surtout des vers iambiques non rimés, n’est que l’harmonie naturelle inspirée par le sentiment : c’est une déclamation notée, tandis que le vers alexandrin impose un certain genre d’expressions et de tournures dont il est bien difficile de sortir. La composition de ce genre de vers est un art tout-à-fait indépendant même du génie poétique ; on peut posséder cet art sans avoir ce génie, et l’on pourroit au contraire être un grand poëte et ne pas se sentir capable de s’astreindre à cette forme.

Nos premiers poëtes lyriques en France, ce sont peut-être nos grands prosateurs, Bossuet, Pascal, Fénélon, Buffon, Jean-Jacques, etc. Le despotisme des alexandrins force souvent à ne point mettre en vers ce qui seroit pourtant de la véritable poésie ; tandis que chez les nations étrangères la versification étant beaucoup plus facile et plus naturelle, toutes les pensées poétiques inspirent des vers, et l’on ne laisse en général à la prose que le raisonnement. On pourroit défier