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Page:De Staël – De l’Allemagne, Tome 1, 1814.djvu/293

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DU STYLE ET DE VERSIFICATION

Racine lui-même de traduire en vers français Pindare, Pétrarque ou Klopstock, sans dénaturer entièrement leur caractère. Ces poëtes ont un genre d’audace qui ne se trouve guère que dans les langues où l’on peut réunir tout le charme de la versification à l’originalité que la prose permet seule en français.

Un des grands avantages des dialectes germaniques en poésie, c’est la variété et la beauté de leurs épithètes. L’allemand, sous ce rapport aussi, peut se comparer au grec ; l’on sent dans un seul mot plusieurs images, comme, dans la note fondamentale d’un accord, on entend les autres sons dont il est composé, ou comme de certaines couleurs réveillent en nous la sensation de celles qui en dépendent. L’on ne dit en français que ce qu’on veut dire, et l’on ne voit point errer autour des paroles ces nuages à mille formes, qui entourent la poésie des langues du nord, et réveillent une foule de souvenirs. À la liberté de former une seule épithète de deux ou trois, se joint celle d’animer le langage en faisant avec les verbes des noms : Le vivre, le vouloir le sentir, sont des expressions moins abstraites que la vie, la volonté, le sentiment et tout ce qui tend à chan-