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Page:De Staël – De l’Allemagne, Tome 1, 1814.djvu/354

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LA LITTÉRATURE ET LES ARTS

est plutôt frappé par les images que par les ridicules ; il saisit avec un instinct singulier l’originalité des animaux toujours nouvelle et toujours la même. La Ménagerie de Lily, Le Chant de noce dans le vieux château, peignent ces animaux, non comme des hommes, à la manière de La Fontaine, mais comme des créatures bizarres dans lesquelles la nature s’est égayée. Goethe sait aussi trouver dans le merveilleux une source de plaisanteries d’autant plus aimables, qu’aucun but sérieux ne s’y fait apercevoir.

Une chanson, intitulée l’Élève du Sorcier, mérite d’être citée sous ce rapport. Un disciple d’un sorcier a entendu son maître murmurer quelques paroles magiques, à l’aide desquelles il se fait servir par un manche à balai : il les retient, et commande au balai d’aller lui chercher de l’eau à la rivière pour laver sa maison. Le balai part et revient, apporte un seau, puis un autre, puis un autre encore, et toujours ainsi sans discontinuer. L’élève voudroit l’arrêter, mais il a oublié les mots dont il faut se servir pour cela : le manche à balai, fidèle à son office, va toujours à la rivière, et toujours y puise de l’eau dont il arrose et bientôt submergera la maison. L’élève, dans sa fureur, prend une hache et coupe en deux le