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Page:De Staël – De l’Allemagne, Tome 1, 1814.djvu/355

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DE LA POÈSIE ALLEMANDE

manche a balai : alors les deux morceaux du bâton deviennent deux domestiques au lieu d’un, et vont chercher de l’eau, et la répandent à l’envi dans les appartements avec plus de zèle que jamais. L’élève a beau dire des injures à ces stupides bâtons, ils agissent sans relâche ; et la maison eût été perdue si le maître ne fût pas arrivé a temps pour secourir l’élève, en se moquant de sa ridicule présomption. L’imitation maladroite des grands secrets de l’art est très-bien peinte dans cette petite scène.

Il nous reste à parler de la source inépuisable des effets poétiques en Allemagne, la terreur : les revenants et les sorciers plaisent au peuple comme aux hommes éclairés : c’est un reste de la mythologie du nord ; c’est une disposition qu’inspirent assez naturellement les longues nuits des climats septentrionaux : et d’ailleurs, quoique le christianisme combatte toutes les craintes non fondées, les superstitions populaires ont toujours une analogie quelconque avec la religion dominante. Presque toutes les opinions vraies ont à leur suite une erreur ; elle se place dans l’imagination comme l’ombre à côté de la réalité : c’est un luxe de croyance qui s’attache d’ordinaire à la religion comme à l’histoire ; je ne sais pour-