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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇOISE

aussi consciencieusement qu’il l’auroit fait dans tout autre temps.

Un soir, M. de Narbonne, en rendant compte à l’assemblée de quelques affaires de son département, se servit de cette expression : « J’en appelle aux membres les plus distingués de cette assemblée. » Aussitôt la montagne en fureur se leva tout entière, et Merlin, Bazire et Chabot déclarèrent que tous les députés étoient également distingués : l’aristocratie du talent les révoltoit autant que celle de la naissance.

Le lendemain de cet échec, les autres ministres, ne craignant plus l’ascendant de M. de Narbonne sur le parti populaire, engagèrent le roi à le renvoyer. Ce triomphe inconsidéré dura peu. Les républicains forcèrent le roi à prendre des ministres à leur dévotion, et ceux-là l’obligèrent à faire usage de l’initiative constitutionnelle pour aller lui-même à l’assemblée proposer la guerre contre l’Autriche. J’étois à cette séance où l’on contraignit Louis XVI à la démarche qui devoit le blesser de tant de manières. Sa physionomie n’exprimoit pas sa pensée, mais ce n’étoit point par fausseté qu’il cachoit ses impressions ; un mélange de résignation et de dignité réprimoit en lui tout signe extérieur de ses sentimens. En entrant dans