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Page:De Staël – La Révolution française, Tome II.djvu/47

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CONSIDÉRATIONS

l’assemblée, il regardoit à droite et à gauche, avec cette sorte de curiosité vague qu’ont d’ordinaire les personnes dont la vue est si basse qu’elles cherchent en vain à s’en servir. Il proposa la guerre du même son de voix avec lequel il auroit pu commander le décret le plus indifférent du monde. Le président lui répondit avec le laconisme arrogant adopté dans cette assemblée, comme si la fierté d’un peuple libre consistoit à maltraiter le roi qu’il a choisi pour chef constitutionnel.

Lorsque Louis XVI et ses ministres furent sortis, l’assemblée vota la guerre par acclamation. Quelques membres ne prirent point part à la délibération, mais les tribunes applaudirent avec transport ; les députés levèrent leurs chapeaux en l’air ; et ce jour, le premier de la lutte sanglante qui a déchiré l’Europe pendant vingt-trois années, ce jour ne fit pas naître dans la plupart des esprits la moindre inquiétude. Cependant, parmi les députés qui ont voté cette guerre, un grand nombre a péri d’une manière violente, et ceux qui se réjouissoient le plus venoient à leur insu de prononcer leur arrêt de mort.