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Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome II, 1807.djvu/228

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CORINNE OU L’ITALIE.

devrait-elle offrir ainsi tant d’images de bonheur aux amis qui peut-être vont se séparer ! — Non, ils ne se sépareront pas, dit Oswald, chaque jour j’en ai moins la force ; votre inaltérable douceur joint encore le charme de l’habitude à la passion que vous inspirez. On est heureux avec vous, comme si vous n’étiez pas le génie le plus admirable, ou plutôt parce que vous l’êtes, car la supériorité véritable donne une parfaite bonté : on est content de soi, de la nature, des autres ; quel sentiment amer pourrait-on éprouver ! —

Ils arrivèrent ensemble à Ferrare, l’une des villes d’Italie les plus tristes ; car elle est à la fois vaste et déserte ; le peu d’habitans qu’on y trouve, de loin en loin dans les rues, marchent lentement comme s’ils étaient assurés d’avoir du temps pour tout. On ne peut concevoir comment c’est dans ces mêmes lieux que la cour la plus brillante a existé, celle qui fut chantée par l’Arioste et Le Tasse : on y montre encore des manuscrits de leurs propres mains et de celle de l’auteur du Pastor fido. L’Arioste sut exister paisiblement au milieu d’une cour ; mais l’on voit encore à Ferrare la maison où l’on osa renfermer Le Tasse comme fou ; et l’on ne peut lire, sans attendrissement,