UN soir la famille qui comblait Corinne de
marques d’amitié et d’intérêt, la pressa vivement
de venir voir jouer madame Siddons dans
Isabelle ou le fatal Mariage, l’une des pièces
du théâtre anglais où cette actrice déploie
le plus admirable talent. Corinne s’y refusa
long-temps. Mais enfin se rappelant que lord
Nelvil avait souvent comparé sa manière de
déclamer avec celle de madame Siddons, elle
eut la curiosité de l’entendre, et se rendit voilée
dans une petite loge d’où elle pouvait tout voir
sans être vue. Elle ne savait pas que lord Nelvil
était arrivé la veille à Londres, mais elle craignait
d’être aperçue par un Anglais qui l’aurait
connue en Italie. La noble figure et la profonde
sensibilité de l’actrice captivèrent tellement
l’attention de Corinne que, pendant les premiers
actes, ses yeux, ne se détournèrent pas
du théâtre. La déclamation anglaise est plus
propre qu’aucune autre à remuer l’ame, quand