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Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome II, 1807.djvu/505

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CORINNE OU L’ITALIE.

cet état voulut aller vers lui ; mais ses forces lui manquèrent au moment où elle essayait de se lever : on la rapporta chez elle ; et depuis ce moment il n’y eut plus d’espoir de la sauver.

Elle fit demander un prêtre respectable en qui elle avait une grande confiance et s’entretint long-temps avec lui. Lucile se rendit auprès d’elle ; la douleur d’Oswald l’avait tellement émue, qu’elle se jetta elle-même aux pieds de sa sœur pour la conjurer de le recevoir. Corinne s’y refusa, sans qu’aucun ressentiment en fut la cause. — Je lui pardonne, dit-elle, d’avoir déchiré mon cœur ; les hommes ne savent pas le mal qu’ils font, et la société leur persuade que c’est un jeu, de remplir une ame de bonheur et d’y faire ensuite succéder le désespoir. Mais, au moment de mourir, Dieu m’a fait la grâce de retrouver du calme, et je sens que la vue d’Oswald remplirait mon ame de sentimens qui ne s’accordent point avec les angoisses de la mort. La religion seule a des secrets pour ce terrible passage. Je pardonne à celui que j’ai tant aimé, continua-t-elle d’une voix affaiblie, qu’il vive heureux avec vous. Mais quand le temps viendra qu’à son tour il sera prêt à quitter la vie, qu’il se souvienne alors de la pauvre Corinne. Elle veillera sur lui, si Dieu le permet ;