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Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome II, 1807.djvu/506

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CORINNE OU L’ITALIE.

car on ne cesse point d’aimer, quand ce sentiment est assez fort pour coûter la vie. — Oswald était sur le seuil de la porte, quelquefois voulant entrer malgré la défense positive de Corinne, quelquefois anéanti par la douleur. Lucile allait de l’un à l’autre : ange de paix entre le désespoir et l’agonie.

Un soir on crut que Corinne était mieux, et Lucile obtint d’Oswald qu’ils iraient ensemble passer quelques instans auprès de leur fille ; ils ne l’avaient pas vue depuis trois jours. Corinne pendant ce temps se trouva plus mal et remplit tous les devoirs de sa religion. On assure qu’elle dit au vieillard vénérable qui reçut ses aveux solennels : — Mon père, vous connaissez maintenant ma triste destinée, jugez-moi. Je ne me suis jamais vengée du mal qu’on m’a fait ; jamais une douleur vraie ne m’a trouvée insensible ; mes fautes ont été celles des passions, qui n’auraient pas été condamnables en elles-mêmes, si l’orgueil et la faiblesse humaine n’y avaient pas mêlé l’erreur et l’excès. Croyez-vous, ô mon père, vous que la vie a plus long-temps éprouvé que moi, croyez-vous que Dieu me pardonnera ? — Oui, ma fille, lui dit le vieillard, je l’espère, votre cœur est-il maintenant tout à lui ? — Je le crois, mon