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Page:Delacroix - Journal, t. 2, éd. Flat et Piot, 2e éd.djvu/261

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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

pantalon était retroussé de peur de la crotte. C’est ainsi qu’on faisait quand on désirait ne pas se gêner chez soi ou à la campagne. M. X… ou M. Y…, enfin tel sot à la moderne, serait bien malheureux d’être rencontré dans l’équipage où le pauvre Baÿvet se promenait tranquillement avec la conscience tranquille de ses cent mille livres de revenu, au milieu de tout cela.

J’éprouve tous les jours, et particulièrement quand il fait du soleil, un charme pénétrant en ouvrant ma fenêtre ; il y a dans le spectacle de la tranquillité de la nature un attrait plus particulier encore pour l’homme qui vieillit et qui apprécie la tranquillité et le calme. Il me semble que ce spectacle est fait pour moi. Une ville ne peut rien offrir de semblable : partout l’agitation qui ne convient qu’à la sotte jeunesse.

— J’écris à Piron :

« Je ne voulais venir ici que pour cinq ou six jours ; en voilà bientôt quinze que j’y suis, et je ne pense pas à revenir. La campagne m’est nécessaire de temps en temps. Comme j’y travaille, elle ne m’assomme pas, comme ceux qui se condamnent à y passer six mois de suite. Les gens du monde y vont mécaniquement au mois de juillet, et ils en reviennent en décembre ; moi, j’y vais quinze jours de temps en temps et de loin en loin. Plus il y a longtemps que je n’y ai été, plus j’en jouis ; j’aime aussi à y mener une vie opposée à celle de Paris ; j’abhorre les visites et les dérangements des voisins… Cette nature que je vois rarement