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Page:Delacroix - Journal, t. 2, éd. Flat et Piot, 2e éd.djvu/262

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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.
me parle alors et me renouvelle. Une promenade dans la forêt, après que j’ai consacré ma matinée au travail, est un véritable délice, mais il faut absolument faire quelque chose. »

Toujours sur l’emploi du modèle et sur l’imitation.

Jean-Jacques dit avec raison qu’on peint mieux les charmes de la liberté quand on est sous les verrous, qu’on décrit mieux une campagne agréable quand on habite une ville pesante et qu’on ne voit le ciel que par une lucarne et à travers les cheminées. Le nez sur le paysage, entouré d’arbres et de lieux charmants, mon paysage est lourd, trop fait, peut-être plus vrai dans le détail, mais sans accord avec le sujet. Quand Courbet a fait le fond de la femme qui se baigne, il l’a copié scrupuleusement d’après une étude que j’ai vue à côté de son chevalet. Rien n’est plus froid ; c’est un ouvrage de marqueterie. Je n’ai commencé à faire quelque chose de passable, dans mon voyage d’Afrique, qu’au moment où j’avais assez oublié les petits détails pour ne me rappeler dans mes tableaux que le côté frappant et poétique ; jusque-là, j’étais poursuivi par l’amour de l’exactitude, que le plus grand nombre prend pour la vérité.

— J’ai travaillé toute la journée par la pluie à la petite Sainte Anne, et j’ai fait une esquisse du Soleil couchant que j’ai dessiné hier, au lavoir.

Petit tour avant dîner, malgré les mauvais chemins dans la forêt, le long de Baÿvet, avec ma bonne et