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Page:Delacroix - Journal, t. 2, éd. Flat et Piot, 2e éd.djvu/344

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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

11 avril. — J’ai fait mes paquets toute la matinée et ai été à deux heures chez Boissard. Divin quatuor de Mozart.

Chenavard nous parlait de Rossini : on le traitait déjà de perrucone, en 1828. Il crève de jalousie pour les succès des moindres musiciens. Le philosophe nous citait le mot de Boileau, déjà très vieux, à Louis Racine : il lui disait qu’il n’avait jamais entendu faire l’éloge du moindre savetier sans se sentir mordu au cœur. Il disait qu’il fallait de l’émulation.

Champrosay, 12 avril. — Parti pour Champrosay. La pluie a commencé juste au moment où nous quittions Paris pour aller à Champrosay. La sécheresse vraiment extraordinaire qui dure depuis six semaines affecte les campagnards.

Ce soir, promenade avec Jenny vers Draveil parla plus belle lune du monde. Le temps est entièrement remis.

J’ai emporté avec moi la fin de l’article de Silvestre[1], qui me concerne. J’en suis très satisfait. Pau-

  1. Théophile Silvestre fut certainement avec Thoré et Baudelaire le critique qui écrivit les articles les plus judicieux et les plus impartiaux sur l’œuvre d’Eugène Delacroix. Il s’agissait ici de la notice d’après nature publiée par Silvestre, qui fut réimprimée ensuite dans l’Histoire des artistes vivants français et étrangers.
    Après avoir lu cet article, Delacroix écrivait au critique : « J’ai grandement à vous remercier d’une appréciation si favorable : c’est de l’apothéose de mon vivant. Malgré mon respect pour la postérité, je ne puis m’empêcher d’être fort reconnaissant d’un aussi aimable contemporain que vous. Veuillez à votre tour ne point considérer comme une flatterie banale les compliments que je vous adresse ici sur la valeur