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Page:Delair - L’Éloge d’Alexandre Dumas, 1872.djvu/28

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Ô vous qui rappeliez sa verve généreuse,
Vous n’avez pas tout dit ! — Cueillant à pleines mains,
Il avait arpenté joyeux tous les chemins ;
Et parfois, au hasard trouvant des cris sublimes,
Sa curiosité l’emporta jusqu’aux cimes !
Art, poésie, histoire et féerie, il poussait
L’aventure en tous sens, et rien ne le lassait ;
Et si l’on eût perdu, folles et tendres fêtes,
Les Mille et une Nuits, il les aurait refaites ! —
Comme l’autre Alexandre, il se levait matin
Et m’allait conquérir quelque pays lointain,
Caucase ou Sinai, la banlieue ou le monde,
Pour en causer le soir dans Athènes seconde ;
Et partout, l’enchanteur, on l’écoutait, surpris,
Car il était la bouche et l’âme de Paris ;
Et partout, rayonnant de joie et d’espérance,
Ce grand Français faisait en lui chérir la France !

Et la fête dura quarante ans ! Quarante ans,
La belle œuvre abondante avec ses flots chantants
Coula de source, heureuse et limpide !

Coula de source, heureuse et limpide ! Oh ! tout passe !
Combien m’en reste-t-il, de cette forte race ?
Ô Mort ! et de ces fronts puissants, par Dieu touchés,
Envieuse, combien m’as-tu déjà fauchés ?
Oui, je frissonne à voir quelle foule débile
Pullule sur leur tombe, et doute si, stérile,
Mon flanc n’est pas à bout d’enfantements nouveaux !