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LE PAIN BLANC

toutes jeunes femmes fuselées leur montre dans un miroir-fée ce qu’elles vont devenir quand les robes seront sur elles.

L’argent est d’un côté, la jeunesse de l’autre et la jalousie partout.

« Comment vous appelez-vous ? »

Non ! La petite ballerine de vingt ans ne va pas ruer dans la figure moustachue de la richarde !

Leur entrée dans le petit thé très gentil et très tranquille fut sensationnelle. Les quinze ou vingt personnes qui goûtaient là levèrent la tête pour détailler les deux élégantes, l’une d’une maturité si hautaine, l’autre si fraîche, petite beauté de seize ans toute rougissante.

Élysée voyait bien qu’on la regardait beaucoup. Peut-être était-elle ridicule dans cet habillement qu’elle ne savait évidemment pas porter. Ses gestes se firent brusques, presque maladroits. Elle en avait honte pour sa belle-mère, enviant son aisance altière.

Elle n’eut guère le temps de s’attarder là-dessus. Deux jeunes gens venaient de se lever de leur coin pour saluer Mme Arnaud.

— Tiens !… dit-elle, étonnée.

Et, non sans cérémonie, mais avec une bonne grâce souriante :

— Le comte de Villevieille, M. Fernet ; ma belle-fille, Mlle Arnaud.

Élysée ne savait pas s’il fallait tendre la main. Empourprée, elle fit quelques mouvements gauches, tout en jetant un regard désespéré du côté de la belle Arnaud.

— Vous n’avez pas encore commandé ?… Alors venez à notre table…