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Page:Delarue-Mardrus - Le Pain blanc, 1932.djvu/99

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CHAPITRE X


L ’étonnement lui faisait des yeux si naïfs qu’elle avait l’air d’avoir cinq ans. Mme Arnaud affectait de ne pas s’en apercevoir. C’était sans doute son système : ouvrir une à une les portes de la mondanité devant l’ingénue, sans jamais avertir de ce qu’elle allait trouver derrière.

Assise aux côtés de sa belle-mère, Élysée, muette, regardait le défilé des mannequins passant devant la rangée acariâtre des clientes. Cette célèbre maison de couture ne ressemblait en rien, certes, aux grands magasins de son enfance.

Les folies de la mode, présentées par ces petites demoiselles ravissantes et peintes, dans ce décor hallucinant, la gravité comique de tous les visages, le ton que prenaient les dames pour demander, sans même daigner regarder les jolies frimousses : « Comment vous appelez-vous ?… » (question qui s’adresse à la robe et non à celle qui la porte), ce spectacle, pour des yeux neufs, retrouvait sa vraie physionomie, sa vraie immoralité tout archaïque de marché aux esclaves.

Réfléchit-on à ce qu’il entre aussi de fantastique dans ces séances hoffmanesques, où des poupées vivantes, saccadées et sans regard, circulant, affublées de costumes chimériques, font trois petits tours et puis s’en vont ?

Illusionnistes volontaires, les clientes, quels que soient leur âge, leur corpulence et leur disgrâce, croient que ce ballet de