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Page:Delarue-Mardrus - Le Pain blanc, 1932.djvu/102

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LE PAIN BLANC

Ce fut chacune devant son piano que les retrouva le docteur en rentrant.

Il s’extasia sur la transformation de sa fille.

À table seulement Mme Arnaud raconta leur après-midi.

— Nous avons trouvé Villevieille et Fernet dans le thé. Quel succès pour Élysée, si vous saviez ! Villevieille est amoureux d’elle, j’ai vu ça ! Voulez-vous parier qu’il va revenir dès mardi prochain, lui qu’on ne voit plus depuis des mois ?

Élysée était devenue cramoisie. Sa belle-mère la faisait courir de surprise en surprise. Amoureux d’elle, ce jeune homme ? Est-ce qu’on pouvait être amoureux d’elle ? Elle ne se sentait pas autre chose qu’une toute petite fille. Brusquement, les paroles de Mme Arnaud lui révélaient qu’elle n’avait plus dix ans.

Un embarras immense en même temps qu’une fierté stupéfaite l’envahissaient à grands flots. Et ce fut comme si, d’une minute à l’autre, elle venait de quitter l’interminable enfance pour entrer de plain-pied dans la jeunesse.