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LE PAIN BLANC

pas de balade, cette fois. Vous irez sans moi prendre le thé à Saint-Germain. Il va neiger ; je vais encore avoir froid. Vous allez me faire reconduire chez moi.

— Mais puisqu’il n’y a personne chez vous aujourd’hui ! Vous nous avez dit vous-même que votre père était absent pour deux jours à cause de ce congrès, votre belle-mère en visite à Versailles et vos domestiques libres de leur dimanche… Personne ne sera là pour vous soigner.

— Je n’ai pas besoin qu’on me soigne. J’ai besoin de me coucher.

Geneviève d’Estenol ricana :

— Tout ça, c’est parce que Julien n’a pas pu venir. Elle boude.

Élysée haussa les épaules.

— Julien est en corvée familiale pour tout l’après-midi. C’est la fête de sa grand’mère. Je vous dis que j’ai des frissons et mal à la tête. J’aurais gardé la voiture, si j’avais su. Du reste, je n’ai qu’à prendre un taxi.

Il y eut des protestations.

— Tiens ! Nous allons tous vous reconduire en bande, si vous voulez. Nous vous soignerons. Ce sera aussi amusant que d’aller à Saint-Germain.

Elle eut de la peine à se délivrer d’eux.

— Non ! Laissez-moi rentrer toute seule. J’ai pris la clé de l’appartement, c’est tout ce qu’il me faut.

Ils l’accompagnèrent pourtant jusqu’à la porte de son ascenseur.

— Nous téléphonerons ce soir pour avoir de vos nouvelles !… crièrent-ils pendant qu’elle montait.

En mettant la clé dans la serrure, elle eut un soupir de soulagement.

Elle avait ouvert doucement, impressionnée peut-être de se sentir tout à coup si parfaitement seule dans le grand appartement vide. Le jour d’hiver baissait déjà.

— C’est bête !… pensa-t-elle. Est-ce que je vais avoir peur, maintenant ! J’aurais dû accepter leur offre !

Puérilement, avant de gagner sa chambre, elle se dit qu’elle allait visiter toutes les pièces, pour être sûre qu’il n’y avait aucun