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Page:Delarue-Mardrus - Le Pain blanc, 1932.djvu/156

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LE PAIN BLANC

vous trouvez mon fils grossier… hein ? Tous les soirs quand il rentre vous êtes encore là… Mais vous ne le verrez jamais… Excepté à l’église.

Une expression presque sévère passa dans les vastes prunelles grises.

— Quand on a des yeux comme les vôtres étant millionnaire, ma petite demoiselle, on ne les amène pas chez les pauvres gens !


Qu’est-ce qu’elle avait voulu dire ? Élysée marchait dans les rues, inconsciente, troublée par des mystères. « Dimanche !… Dimanche !… » se répétait-elle pour se rassurer. Et son projet était d’assister non seulement à la messe, mais aux vêpres.

Une ombre dressée devant elle, silhouette qui l’empêchait de passer, lui fit relever les yeux. D’abord empourprée, la jeune fille, immédiatement après, fut d’une pâleur d’agonie.

— Vous !…

Julien de Villevieille, le chapeau à la main, la regardait sans parler. Le va-et-vient des passants les bousculait.

Élysée voulut s’écarter, fuir. Mais le jeune homme la suivit. Ils se mirent à marcher côte à côte, et de plus en plus vite.

— Depuis le temps que je fais le guet dans votre quartier sans vous rencontrer !… s’essoufflait Julien. Je savais que ce n’était pas la peine de vous téléphoner ni de sonner chez vous… Pourtant, je voulais vous voir…

Elle ne répondait pas, la tête tournée de l’autre côté, se dépêchant pour lui échapper. Et son cœur battait comme celui d’un gibier poursuivi.

— Ce n’est pas la peine de nous mener à ce train-là, vous savez !… J’ai à vous parler, je vous parlerai ! Nous sommes ridicules, voilà tout ! Venez plutôt dans cette avenue-là. Nous nous assoirons sur un banc, comme des calicots. Ça ne fait rien.