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Page:Delarue-Mardrus - Le Pain blanc, 1932.djvu/30

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LE PAIN BLANC

talgique : assise au fond d’une caisse d’emballage, elle imaginait les montagnes russes ou le toboggan. Il lui semblait que sa vie entière ne serait pas assez longue pour ressasser les souvenirs d’une journée d’enthousiasme, si mal finie, hélas ! Puis, à la longue, les dernières griseries de la belle fête se dissipèrent. Elle se retrouva, orpheline et privée de ses frères, assise au fond de cette caisse pleine de paille, qui ne voulait plus rien dire du tout.

Allait-elle se remettre à pleurer, la parenthèse refermée, à pleurer toute seule, pendant des heures, le nez contre les vitres ?

— Tu ne peux pas rester comme ça !… s’écriait Mme Arnaud, quand, rentrée entre deux courses, elle trouvait sa fille dans un coin avec des yeux mornes. Demain, je m’occupe de ton cours !

À d’autres moments, elle constatait :

— Tu es mal ficelée, tu es ignorante, tu as mauvaise mine…

Et l’on eût dit, au ton qu’elle prenait, que la petite seule était responsable de ces manques.

Au bout de trois jours, énervée :

— Alors, tu ne fais rien, toute la journée ?… C’est idiot ! Je veux que tu sortes tous les jours avec la femme de chambre.

Et ces promenades furent plus lamentables que tout le reste.

Il dut y avoir une mauvaise période dans les recherches, Mme Arnaud sortit moins, et son humeur consterna la maison.

Un essai de rangement amena des criailleries contre les bonnes. Incapable de fixer son attention sur ce qui n’était pas son idée fixe, la grande énervée tournait sur elle-même dans les pièces, donnait un ordre, le contredisait, s’affolait, et finissait toujours par invectiver contre quelqu’un.

Élysée sentait combien, quoi qu’elle fît, elle exaspérait sa