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Page:Delarue-Mardrus - Le Pain blanc, 1932.djvu/32

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LE PAIN BLANC

volonté, courageuse, elle décida de s’asseoir une heure par jour au piano, pour y ânonner, tant bien que mal, les études de Czerny.

Elle eut soin, la première fois, de commencer pendant que sa mère était là, pour bien lui montrer qu’elle écoutait ses conseils.

Mais, au bout de quatre mesures, Mme Arnaud parut, la bouche légèrement tordue, les paupières clignotantes.

— Ma pauvre petite, tu ne pourrais pas choisir un moment où je serais sortie ?… Si tu savais ce que ça peut m’énerver, ton piano ! Je suis déjà assez agacée de voir l’appartement comme ça !…

Et, bien qu’Élysée se fût levée de son tabouret et essayant de sourire :

Naturellement, tu vas dire que c’est moi qui t’empêche d’étudier ! J’aime mieux m’en aller, tiens !… Tu m’horripiles ! Il me semble que je vois ton père !

La porte claquée une fois de plus, Élysée resta debout à sa place. Elle se sentait comme détruite par sa mère, plongée dans une atmosphère irrespirable.

Maman était sortie, pour finir.

Retourner au piano ? La petite Arnaud n’en avait plus le courage. Il lui vint une idée plus triste que les autres. Comme ceux qui perdent un être cher et qui le cherchent encore après l’enterrement, elle entra tout doucement dans le cabinet de son père.

Puérile, elle s’assit à sa table de travail, toucha son porteplume, ouvrit les tiroirs. Tout était resté là comme si, d’une minute à l’autre, il devait rentrer.