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Page:Delarue-Mardrus - Le Pain blanc, 1932.djvu/41

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CHAPITRE IV


L ’omnibus du pensionnat attendait derrière les barrières de l’amusante station. Perdue dans le bruit des roues, Élise Arnaud ne voulut rien regarder pendant le parcours.

Mais quand elle mit le pied à terre et franchit, au côté de Mlle Laporte, les grilles qui s’ouvraient sur un si beau parc, elle ne put alors retenir son exclamation.

À cinq heures, en juin, les ombres allongées commencent à coucher sur les pelouses l’image obscure des arbres clairs. Les roses des massifs éclataient comme des illuminations. Les oiseaux, les grillons, les bourdons, toutes les voix d’une animalité minuscule et cachée jetaient vers l’espace bleu le cri persistant de l’été. Et le seringa sentait si fort qu’on avait, par places, envie de s’arrêter court comme devant une apparition.

Élysée se contenait pour ne pas obéir à son impulsion qui était de courir dans l’herbe profonde et de se rouler, en criant comme les oiseaux, les grillons et les bourdons. Une sorte de tremblement sacré parcourait la petite créature de ville devant la révélation de la terre ivre de soleil. Un désir de liberté, furieux, inconnu, gonflait son étroite poitrine. Et, pendant le temps que dura la traversée du parc, ce fut une bacchante enfant qui marcha, les narines ouvertes, au côté de la sage Mlle Laporte en petit chapeau noir et robe terne.