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Page:Delarue-Mardrus - Le Pain blanc, 1932.djvu/42

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LE PAIN BLANC

— Vous voyez que nous avons de la place pour respirer !… remarquait la voix austère.

Mais cette belle arrivée n’était tout de même qu’une triste aventure ; à un tournant, au lieu du château de conte de fées, parut, laissant filtrer le grondement sourd de pianos parcourus de gammes, le grand bâtiment blanc où ne vivaient que les horreurs de la grammaire, de l’arithmétique, de l’histoire de France et le reste, supplices lents et sans espoir insultant la face de l’été.

Sur le seuil de cette boîte de luxe, la voix austère annonça :

— Ma mission est terminée, mon enfant. Je vais maintenant vous remettre à Mlle Dufauré, qui va s’occuper de vous.

— Merci, mademoiselle, murmura la petite, polie et triste.

Maintenant, Élysée se voit dans une petite pièce proprette, sorte de cabinet de travail dominé par un crucifix, et qui sent le couvent et la religieuse. Mlle Dufauré s’est assise et l’a fait asseoir en face d’elle, de l’autre côté du bureau.

— Voyons, mon enfant ! Je vais vous faire passer un petit examen oral pour savoir où vous en êtes. Dites-moi ! Que savez-vous de…

Lamentable examen oral !

Au bout de vingt minutes de ce cauchemar :

— Nous avons besoin de beaucoup travailler… conclut avec douceur Mlle Dufauré. Mais nous nous rattraperons, n’est-ce pas ?

La gamine baissait profondément la tête.

— Oui, dit-elle très bas et sans beaucoup y croire.

Depuis un moment, une rumeur venue d’en haut se manifestait.

— Voilà le cours fini, dit Mlle Dufauré, regardant sa montre. Tout à l’heure, vous allez…

Elle ne termina pas sa phrase. Un frôlement léger dans le couloir, la porte qui s’ouvrait firent se retourner la fillette. Une nouvelle venue parut, tandis que Mlle Dufauré se levait respectueusement.

— Saluez Mlle Levieux, mon enfant…

Debout, Élysée, intimidée, se laissait regarder par cette personne en noir, au visage pâle, aux yeux graves et fatigués, des yeux clairs comme de l’or, sous un front étroit où les bandeaux