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Page:Delarue-Mardrus - Le Pain blanc, 1932.djvu/53

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LE PAIN BLANC

ment pour eux deux. Ils feront leurs débauches là-dedans tant qu’ils voudront !

Déshabituée déjà, la fillette tressaillit. Involontairement, elle jeta les yeux du côté des familles qui pouvaient entendre.

Le rire saccadé de Mme Arnaud fit se retourner quelques têtes.

— Ton père, tu sais ce qu’il fait, lui ? Il n’est pas du tout parti de Paris comme il voulait nous le faire croire ! Il travaille en sous-ordre dans un laboratoire. C’est ça qu’il appelle des recherches ! Ah ! ah ! ah !… Et comme il n’a pas le sou, naturellement, il s’est fourré médecin de je ne sais quelles assurances à la manque. Crois-tu ?… Quand il avait tout ce qu’il lui fallait chez moi ? Mais nous verrons la fin ! Ma nouvelle agence de renseignements ne vaut pas mieux que l’autre. Des bandes de voleurs. Mais enfin je sais tout de même des choses par ces bandits-là ! Mais, pour moi, le principal n’est pas découvert. Car on ne m’ôtera pas de l’idée qu’il y a des histoires de femmes sous tous ça !

Surexcitée, sa voix de soprano perçait les murailles. Les parents des petites camarades, surpris, prêtaient l’oreille.

Désastreusement, une des demoiselles à bandeaux plats était présente.

Empourprée, la petite Élise remuait sur sa chaise. Faire taire sa mère, elle ne pouvait le tenter sans déchaîner quelque scène inouïe qui corserait encore le scandale d’une telle conversation dans ce sévère parloir. Affolée, elle se disait que c’en était fait, que jamais on ne garderait à l’institution une élève affligée d’une pareille mère. Elle ignorait qu’on tenait à elle pour bien des raisons.

Mais ce qu’elle ignorait encore, c’était la suprême diplomatie qui, du haut en bas de l’institution Lami, régissait les faits et gestes de l’association.

Avec une courtoisie parfaite, les bandeaux plats s’approchèrent…

— Bonjour, madame. J’espère que vous trouvez Élise en bon état de santé ?… Vous êtes heureuse de voir votre maman, mon enfant ?… Vous devriez bien, puisque ces dames le permettent, lui faire visiter notre parc, avant de lui montrer la