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Page:Delarue-Mardrus - Le Pain blanc, 1932.djvu/85

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LE PAIN BLANC

Le docteur Arnaud, frémissant, n’avait pu se décider à s’asseoir pour l’attendre.

Elle n’eut pas plus tôt ouvert la porte qu’il fut là, les bras refermés sur elle, avant même de l’avoir regardée.

Le visage enfoui dans la barbe douce, un peu bousculée par de tels baisers, elle subissait, impressionnée, la véhémence de cet accueil auquel rien, jamais, ne l’avait préparée. Entre la sécheresse irritée de sa mère et la réserve froide des demoiselles à bandeaux plats, elle avait eu le temps d’oublier qu’elle était née caressante et fougueuse.

— Élise, ma fille !

Il se reculait enfin pour la voir, des larmes de joie dans les yeux.

— Comme tu es grande ! Comme tu es jolie !… Et pourtant je retrouve bien ta petite figure d’autrefois, ta chère, chère petite figure à laquelle je pensais toujours !

Elle souriait vaguement, émue par ces exclamations. Son père vieilli, son père dont elle se souvenait mal, lui semblait infiniment séduisant. Elle s’étonnait de la bonté de son expression, du vif scintillement de ses longs yeux noirs au regard croisé. Comme du fond d’un passé de mille années, elle retrouva d’instinct, avant de l’avoir pensé, le petit mot, l’intonation câline de ses dix ans :

— Papa !… mon petit papa !…