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Page:Delbos - De Kant aux postkantiens, 1940.djvu/11

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un nouveau système ; enfin, comment cet effort, qui tend à fixer du consistant dans l’inconsistance même, ou à mettre de l’absolu dans le devenir et du devenir dans l’absolu, aboutit à susciter des formes nouvelles de pensée, des problèmes et des méthodes qui, se libérant du point de vue kantien, nous ramènent, par des voies inédites, de l’idéalisme transcendental vers un réalisme où reparaîtra une affirmation de la transcendance, purifiée des scories de l’empirisme et des indigences exsangues du rationalisme. Il importe donc d’abord de laisser les doctrines s’organiser, établir leur cohérence, se confronter par une critique inflexible, manifester progressivement tout le dynamisme dont elles procèdent, mais aussi il devient indispensable de déceler leurs déficiences et leur artificielle rigueur, finalement génératrices de suites abusives et dangereuses. Grande leçon qui nous est donnée ainsi et qui ne ressemble en rien à la précipitation des esprits partisans, ni à ces réfutations par des conséquences hâtivement déduites dans l’incompréhension ou la passion.

D’abord uniquement attaché à pénétrer à fond et à faire comprendre la pensée des grands philosophes comme ces philosophes l’ont comprise et en usant de leur propre terminologie, Delbos a été un merveilleux historien. Il était cela, certes, mais il l’était d’autant plus qu’il n’était cela que pour entrer davantage dans la vie des esprits, dans la circulation incessante des idées, dans l’invention originale qui s’opère, comme il disait, par une sorte de marcottage après qu’on s’est nourri des organismes spirituels animés par de hautes intelligences et de profondes aspirations.