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Page:Delbos - De Kant aux postkantiens, 1940.djvu/126

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Jacobi l’a proclamée, — cette science dont le contenu est fourni par le sentiment, la croyance, l’intuition, science que Jacobi oppose à la pensée, qu’il dirige également contre la doctrine de Spinoza et contre la doctrine de Kant. C’est que Jacobi ne veut saisir la connaissance que comme une pensée qui parcourt une série de conditions, qui va d’un terme conditionné à un autre terme conditionné, où chaque condition devient une chose conditionnée, et ainsi de suite. Cela étant, connaître, c’est montrer un objet conditionné par un autre : d’où il résulte que Dieu, la liberté, l’être vrai et réel doivent échapper à ce mécanisme de conditions où est enfermée la connaissance. L’intérêt de cette philosophie, c’est de rétablir l’unité de la pensée et de son objet si fâcheusement méconnue ou détruite par les philosophies de l’entendement ; mais cette unité, la philosophie de la science immédiate la pose d’une façon arbitraire, qui ouvre la porte à toutes les suppositions et à toutes les fantaisies, tandis que la philosophie spéculative la fait résulter de la nature même de la pensée. Au surplus, la polémique de Jacobi contre la science médiate et contre l’usage de la pensée vient d’une fausse conception. D’une part, tout ce qui se donne comme immédiat est dans le fond le résultat d’une médiation ; il n’est que parce qu’il est devenu ; d’un autre côté, la pensée n’est pas seulement une faculté qui médiatise et conditionne ; c’est une faculté de connaître, d’achever la connaissance vraie. Ce qui manque à la science immédiate, telle que la revendique Jacobi, c’est la pensée, et ce qui manque à la pensée, telle que Jacobi la considère, c’est la méthode.

Au fond, l’opposition de l’immédiat et du mé-