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Page:Delbos - De Kant aux postkantiens, 1940.djvu/125

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différence entre cent thalers réels et cent thalers possibles ; mais, pour celui qui les possède, la différence est réelle. Assurément, rien n’est plus évident que cette proposition, que ce que je pense ou je me représente n’a pas une réalité par cela seul que je le pense ou que je me le représente ; mais cela sans doute la philosophie spéculative ne l’ignore pas, et il est bien vrai que pour tout être fini l’existence et le concept sont deux. Laissant donc de côté un exemple grossier qui assimile cent thalers à un concept, disons que lorsqu’il s’agit de Dieu, il s’agit d’autre chose que d’un concept fini ; on se trouve en face de ce qui est précisément et nécessairement l’unité de la pensée et de l’être, de ce qui ne peut être pensé que comme existant, de ce qui existe donc nécessairement. — Ainsi Kant a réduit la raison à une pure identité abstraite, il en a annulé par là l’inconditionnalité ; il en a fait un entendement vide.

La théorie de l’autonomie de la raison pratique est un des titres les plus glorieux de la philosophie kantienne ; mais, avec la doctrine de la moralité et du bonheur, avec la loi du devoir pour le devoir, on ne peut clore le système, et l’on reste, comme cela est arrivé à Fichte, dans le progrès d’un devoir être sans fin. — La Critique du Jugement, par la représentation de l’entendement intuitif, de la finalité interne, paraît atteindre le principe de la vérité systématique ; mais l’idée de la séparation du concept et de la réalité est plus forte que ce pressentiment, qui n’aboutit à donner qu’une valeur subjective à ce qui est au contraire l’expression la plus objective de la nature de la pensée.

La troisième position de la pensée par rapport à l’objectivité est la science immédiate, telle que