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Page:Delbos - De Kant aux postkantiens, 1940.djvu/181

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comme la seule chose primitivement certaine, tandis que l’existence du monde restait problématique ; quand il a montré ainsi que toute connaissance a son moyen et sa condition dans la conscience et lui reste par conséquent soumise. Dans cette direction même, un progrès essentiel fut accompli par Locke, lorsque, avec sa distinction des qualités premières et des qualités secondes, il revendiqua pour le sujet une bonne part de ce que le réalisme attribuait à l’objet. Berkeley alla plus loin encore et aboutit à l’idéalisme proprement dit : il proclama que ce qui est étendu dans l’espace et ce qui le remplit, à savoir le monde objectif, matériel, ne peut exister que dans notre représentation, et qu’il est absurde de lui attribuer une existence indépendante du sujet connaissant, d’en voir le substrat dans une matière existant en soi. — Kant, principalement dans la première édition de la Critique qu’a malheureusement déformée en un sens réaliste la seconde, a repris et complété l’idéalisme berkeleyen : il l’a repris quand il a dit que, si l’on fait abstraction du sujet pensant, tout le monde des corps s’évanouit ; et il l’a complété, quand, au lieu de se borner à affirmer la nécessité, pour l’objet, de n’être que par rapport au sujet qui le représente, et de chercher, par-delà le monde donné, dans la puissance et la volonté de Dieu, la cause de nos représentations et de leur ordre, il a cherché dans les fonctions du cerveau, ou, pour parler son langage, dans les conditions de la faculté de connaître, le principe de la représentation et de l’ordonnance objective des phénomènes. (Die Welt, I, pp. 33 sq., 554 sq. ; II, pp. 9 sq. ; — Parerga und Paralipomena, IV, p. 26.)

Pourquoi donc le monde est-il une représenta-