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Page:Delbos - De Kant aux postkantiens, 1940.djvu/45

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cept simplement limitatif ou problématique, la chose en soi paraît jouer un rôle qui n’est pas aisé à déterminer exactement, qui peut être interprété dans un sens réaliste ou dans un sens idéaliste ; et, de fait, deux des plus pénétrants, parmi les libres interprètes actuels de la pensée kantienne, Al. Riehl et H. Cohen poussent là-dessus le Kantisme dans des directions opposées : Al. Riehl maintient énergiquement l’existence de la chose en soi, comme l’un des fondements de l’objectivité de la connaissance phénoménale ; H. Cohen résout la chose en soi dans l’Idée. Certes, il est possible que dans le Kantisme historique les différences d’expression employées par Kant puissent s’expliquer par les diverses fonctions que remplit dans le système la chose en soi ; mais disons en tout cas que l’existence même des choses en soi est affirmée avec une réelle insistance, qui ne laisse de place à aucun doute.

Les difficultés inhérentes à l’admission des choses en soi dans le système de Kant furent signalées avec une sagacité singulière par Jacobi dans l’Appendice à son livre intitulé : David Hume über den Glauben ; oder Realismus und Idealismus. Ein Gespräch (1781). Jacobi soutient que nous pouvons atteindre la réalité du monde extérieur, comme celle des objets suprasensibles, mais par le sentiment, l’intuition ou la foi, de toute façon par une faculté qui ne se ramène pas à l’entendement logique. Or, ce que dans le Kantisme il combat, c’est la prétention de satisfaire en quelque mesure à cette inévitable exigence de notre âme par l’affirmation de la chose en soi ; les prémisses du système lui interdisent cette affirmation et doivent le conduire directement à ce plein idéalisme qu’il repousse. L’esprit du système est