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Page:Delbos - De Kant aux postkantiens, 1940.djvu/58

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nus par cette contradiction qu’ils ont mal entendu Kant ? Qu’est-ce, en effet, pour Kant que la chose en soi ? Un noumène, un objet intelligible, qui s’ajoute au phénomène selon des lois nécessaires, quelque chose par conséquent qui, se produisant par notre pensée, ne saurait, sans absurdité, être conçu comme indépendant d’elle. Or le noumène, cette chose en soi, à quoi l’emploient ces interprètes ? Cette idée d’une chose en soi est fondée sur la sensation, et ils veulent en retour fonder la sensation sur l’idée d’une chose en soi. Leur monde est soutenu par le grand éléphant, et le grand éléphant est soutenu par le monde. Leur chose en soi, qui est une pure idée, doit agir sur le moi ! Oublient-ils donc en route ce qu’elle est, et veulent-ils lui attribuer le prédicat le plus propre au réel, l’efficacité ? Et ce seraient là les mirifiques découvertes du grand génie dont le flambeau éclaire toute la philosophie de notre âge ? Aussi longtemps, proclame Fichte, qu’on ne me montrera pas dans Kant cette formule expresse, qu’il dérive la sensation d’une impression de la chose en soi, aussi longtemps je me refuserai à croire ce que les interprètes disent de lui. Et s’ils apportaient cette preuve, eh bien ! je tiendrais la Critique de la raison pure plutôt pour l’œuvre du plus étrange hasard que pour l’œuvre d’une tête pensante. Cependant, malgré cette déclaration, Fichte n’ignore pas que l’on a invoqué certains textes formels de Kant, et il songe surtout aux textes du début de la Critique. Mais que valent ces textes, peu nombreux, — sur ce point la statistique de Fichte n’est pas très rigoureuse, — que valent ces textes pris isolément contre l’esprit du système qui en commande le sens ? — Lorsque Kant dit que l’objet en nous est donné