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Page:Delbos - De Kant aux postkantiens, 1940.djvu/92

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philosophie ne peut procéder que par abstraction, en d’autres termes elle doit, par la liberté de la pensée, isoler ce qui est uni dans l’expérience. Dans l’expérience sont indissolublement unies la chose, c’est-à-dire ce à quoi notre connaissance se rapporte, et l’intelligence, c’est-à-dire ce qui doit connaître. C’est en détachant par abstraction l’un de ces deux facteurs inséparablement liés, et c’est en le constituant comme principe que le philosophe s’élève au-dessus de l’expérience et remplit sa tâche. S’il abstrait de l’expérience l’intelligence, il en fait, comme premier principe, l’intelligence en soi : il établit l’idéalisme ; s’il abstrait de l’expérience la chose, il en fait, comme premier principe, la chose en soi : il établit le dogmatisme (I, pp. 422-426).

En réalité, il ne peut exister que ces deux systèmes, encore qu’on puisse parfois essayer de constituer des doctrines qui prennent aux deux, et entre ces deux systèmes l’opposition est nécessaire, puisque le principe dont ils partent chacun respectivement est contraire à l’autre. Et, qui plus est, aucun des deux systèmes ne peut détruire l’autre, car chacun se développe avec une pleine rigueur. D’après le dogmatisme, tout ce qui survient dans notre conscience est le produit d’une chose en soi, même nos apparentes déterminations volontaires, même l’opinion que nous sommes libres. Tout dogmatique conséquent est nécessairement fataliste ; certes, il ne nie pas le fait de conscience d’après lequel nous nous tenons pour libre ; car cela serait absurde ; mais il s’appuie sur son principe pour démontrer la fausseté d’une pareille croyance. Il nie l’indépendance du moi ; il fait du moi un produit des choses, un accident du monde ; le dogmatique conséquent est donc