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Page:Delbos - De Kant aux postkantiens, 1940.djvu/97

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ble que rapportée à une conscience et que toute conscience suppose l’intuition intellectuelle. Mais n’est-ce pas là une infidélité à Kant ? Certes, à prendre les choses à la lettre, il est indéniable que Kant n’a pas cessé de nous refuser une faculté d’intuition intellectuelle par laquelle nous saisirions directement la réalité en soi, — l’identité du possible et du réel, du général et du particulier. Mais allons plus au fond, et demandons-nous si ce que Kant nous interdit explicitement sous le nom d’intuition intellectuelle ne nous est pas également interdit par Fichte, et si pour ce que Fichte entend sous ce nom Kant ne fournit pas plutôt des énonciations favorables ou concordantes. L’intuition intellectuelle que nous refuse Kant, c’est celle qui avait pour objet la chose en soi. Mais Fichte, en supprimant la chose en soi comme une impossibilité, supprime du même coup radicalement l’intuition intellectuelle dont ce serait l’objet. En revanche, Kant n’a-t-il pas supposé en maint endroit l’intuition intellectuelle dans un sens très semblable, sinon identique à celui de Fichte ? Ne l’a-t-il pas impliquée notamment dans la conscience de la loi morale ? Car si cette conscience n’est point sensible et ne peut l’être, qu’est-elle, sinon une intuition intellectuelle ? N’est-ce pas encore l’intuition intellectuelle que l’aperception pure de Kant ? Toutes nos représentations, dit Kant, doivent être accompagnées du « Je pense ». Mais qu’entendre par le « Je pense » ? Kant le dit lui-même beaucoup plus exactement que certains kantiens : c’est un acte de la spontanéité, qui ne peut être considéré comme appartenant à la sensibilité. C’est donc un acte du Moi pur qui ne peut être donné dans la conscience empirique, puisqu’il en est la con-