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Page:Delly - Dans les ruines, ed 1978 (orig 1903).djvu/132

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Maintenant, Alix se tenait droite et ferme, sa belle tête relevée dans une attitude quelque peu hautaine ; elle avait, dans le regard, une froideur telle que nul n’en aurait cru capables ces yeux empreints, à l’ordinaire, de rayonnante bonté.

Roger Maublars attendait sans doute une réponse, car sa physionomie exprima quelque surprise, mais il reprit néanmoins :

— J’espère que nous allons renouer les habitudes de jadis, les relations sans façon, comme de bons voisins que nous sommes. Autrefois, nous avons passé de si charmantes journées, n’est-ce pas, Georgina ?… du temps de ce pauvre Even…

Il prononça ce nom avec une pitié dédaigneuse, qui fit bondir d’indignation le cœur d’Alix. Cet homme avait entraîné le jeune homme innocent et croyant vers la ruine morale et, maintenant, avec une hypocrite compassion, il feignait de le reléguer au nombre des êtres finis, usés, dont il n’est plus question qu’au passé… Dans les grands yeux graves qui se levèrent une seconde vers lui, Maublars lut sans doute le profond mépris de cette enfant au cœur droit, car son teint devint plus blême encore et, violemment, il serra ses lèvres minces.

Georgina n’avait rien perdu des sentiments exprimés par l’attitude et la physionomie de sa nièce. Si celle-ci l’eût regardée en cet instant, elle aurait pu constater quelle fureur haineuse elle venait de soulever en cette femme. Mais, avec la rapidité et la souplesse qui lui étaient particulières, Mme Orzal ramena une enveloppante douceur dans ses yeux superbes et un sourire aimable sur ses lèvres minces. Elle appela d’une voix calme :

— Gaétan, Xavier, venez donc que l’on vous voie !… Allons, dépêchez-vous, enfants !

Xavier, profitant de l’inattention de miss Elson, s’était emparé d’un gâteau destiné à son goûter et le