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Page:Delly - L ondine de Capdeuilles.pdf/142

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L’ONDINE DE CAPDEUILLES


curé, à la chère tombe pour laquelle Odon, chaque semaine, faisait envoyer des fleurs magnifiques. Mais ses occupations empêchaient qu’elle s’attardât trop aux pensées tristes, et la distrayaient forcément de sa souffrance. Celle-ci, cependant, retrouvait presque l’acuité des premiers jours, à certains moments, par exemple les soirs où il y avait grand dîner à l’hôtel de Montluzac, ou soirée de bridge, car la duchesse continuait de prendre ce qu’elle pouvait de distractions mondaines. En ces occasions, Roselyne dînait dans son appartement avec Mme Berfils. Celle-ci était discrète, attentive, mais trop froide pour la vibrante nature de la jeune fille. La conversation, entre elles, restait quelconque. Après le repas, elles prenaient chacune un livre. Mais Roselyne ne lisait pas. Dans le petit salon orné de meubles ravissants, héritage d’une marquise de Montluzac contemporaine de la reine Marie-Antoinette, elle revivait les soirées passées près du fauteuil de l’aïeul, dans la grande pièce délabrée. Assise sur un siège bas, tout contre lui, elle lisait à haute voix. De temps à autre, la main ridée caressait sa joue ou ses cheveux. Quelquefois, l’hiver, il faisait bien froid dans la pièce mal close, difficilement chauffée. Mais Roselyne avait très chaud au cœur, et cela lui semblait infiniment supérieur à la tiédeur