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Page:Delzant - Les Goncourt, 1889.djvu/128

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veux d’émotion. Se sentir l’outrance morale que nous avons et être trahis par des nerfs, par une faiblesse maladive, une lâcheté du creux de l’estomac, une chifferie du corps. Ah ! c’est bien malheureux de n’avoir pas une force physique adéquate à sa force morale. Se dire qu’il est insensé d’avoir peur, qu’une poursuite, même non arrêtée, est une plaisanterie ; se dire encore que le succès immédiat nous importe peu, que nous sommes sûrs d’avoir été agrégés et jumelés pour un but et un résultat, et que ce que nous faisons, tôt ou tard, sera reconnu… et pourtant passer par des découragements, avoir les entrailles inquiètes : c’est la misère de nos natures si fermes dans leurs audaces, dans leurs vouloirs, dans leur poussée vers le vrai, mais trahies par cette loque en mauvais état qui est notre corps. Après tout, ferions-nous, sans cela, ce que nous faisons ? La maladie n’est-elle pas pour un peu dans la valeur de notre œuvre ? »

Il est tout naturel qu’un livre qui apportait tant de nouveauté dans la forme et dans le fond ait causé une impression défavorable. Le public — cela va de soi — n’accueillit pas le volume des Goncourt avec plus d’empressement que leurs ouvrages précédents. La critique se détourna à peine de sa besogne courante pour mordre dans cette « fange ciselée », le mot est de Charles Monselet, ou dans cette « littérature putride », comme disait M. Gustave Merlet. Et il ajoutait, avec mélancolie, dans son feuilleton de la France : « J’ai bien hésité avant de vous entretenir des faits et gestes de Germinie Lacerteux qui ne mérite guère d’occuper les loisirs des honnêtes gens. Car le silence serait peut-être la plus éloquente des protestations contre les délits que condamnent l’art, le goût et la politesse des lettres françaises. Mais ce roman fait quelque bruit ;