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Page:Delzant - Les Goncourt, 1889.djvu/129

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la notoriété de ses auteurs le désigne à l’attention publique, il a des prétentions humanitaires, il porte une cocarde. Résignons-nous donc à en dire un mot : notre franchise témoignera de notre sympathie pour des écrivains envers lesquels on a le droit d’être sévère, car leur plume a de la valeur jusque dans ses écarts et l’attentat littéraire qu’ils viennent de commettre est aggravé par un talent incontestable… On dirait une gageure soutenue imperturbablement par des jeunes gens en belle humeur qui veulent scandaliser les élégances parisiennes et attirer l’attention en arborant des guenilles au milieu d’un salon. Oui, il y a évidemment ici une mise en scène calculée pour un effet de surprise bruyante. C’est prémédité comme un défi ! »

Voici le ton de la critique d’alors. Il est difficile d’y voir moins clair et, bien que prévenu, de méconnaître plus complètement le sens d’une œuvre et les intentions des auteurs. C’est que la critique littéraire, telle qu’elle est pratiquée en France, est bien rarement perspicace. Sainte-Beuve seul alors avait, quelquefois, un peu d’ouverture sur l’avenir et savait discerner de l’ivraie le bon grain qui doit germer. Dans cette circonstance, bien qu’il eût fait connaître son intention de reprendre la thèse littéraire qu’il avait déjà soutenue au profit de Madame Bovary, il se récusa, au dernier moment, préférant, disait-il, porter la lutte sur un terrain plus solide. Et ce fut à propos de la Fanny de E. Feydeau qu’il exposa ses idées sur la réalité dans l’art et sur l’avenir du naturalisme.