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Page:Delzant - Les Goncourt, 1889.djvu/144

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ment mis en avant que la dignité du Théâtre-français était compromise par l’acte du bal ne tient pas debout. Pourquoi se refuser à rendre un des aspects les plus pittoresques de la vie parisienne et ne pas admettre, rue Richelieu, les masques du dix-neuvième siècle sur cette scène même où les matassins des Fâcheux et la cérémonie du Malade, avec les apothicaires armés de toutes pièces, ne semblent pas déplacés ? Au reste, pour endormir les préventions les plus inquiètes, les auteurs avaient pris Théophile Gautier pour parrain. Il avait écrit, pour eux, une façon de prologue en vers, étincelant, qui fut dit, dans un costume de Pierrette, par Mlle Ponsin, avec une verve et une bonne humeur qui eussent dû désarmer les plus sévères. Le poète annonçait les invectives de la bande des masques dans les vers bien sonnants que voici. Ils ont une vague apparence d’être un acte de contrition du théâtre :

« … Nous autres, par malheur, nous sommes des modernes,
Et chacun nous a vus, sous le gaz des lanternes,
Au coin du boulevard, en quête d’Évohé,
Criant à pleins poumons : « Ohé, c’te tête, ohé ! »
Pierrettes et pierrots, débardeurs, débardeuses
Aux gestes provocants, aux poses hasardeuses,
Dans l’espoir d’un souper que le hasard paîra,
Entrer, comme une trombe, au bal de l’Opéra.
Pardon, si nous voilà dans cette noble enceinte,
Grisés de paradoxe, intoxiqués d’absinthe,
Près des masques sacrés, nous, pantins convulsifs :
Aux grands ennuis il faut des plaisirs excessifs,
Et notre hilarité furieuse et fantasque,
En bottes de gendarme, un plumeau sur le casque,
Donnant à la Folie un tam-tam pour grelot,
Aux rondes du Sabbat, oppose son galop.
… Or donc, excusez-nous d’être de notre temps,
Nous autres qui serons des types dans cent ans.
Pendant que la parade à la porte se joue,
Le drame sérieux se prépare et se noue,