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Page:Delzant - Les Goncourt, 1889.djvu/162

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pagne qui puisse les soutenir, les aider, les relever dans l’effort et le mal de créer ; et, aux maladresses dont ne manquerait pas de les blesser une femme élevée, ils préfèrent le silence de bêtise d’une femme inculte. »

Accolée par le mariage ou l’habitude à l’artiste ou à l’écrivain, la femme apporte le trouble dans sa vie et dans son œuvre par la passion. La femme égare le martyr, l’amène vaincu aux fonctions vulgaires et aux basses besognes grassement payées. Pour dominer, elle se fait la complice de ce qu’il y a de bas dans chacun de nous, jusqu’au jour où les victimes dépouillées de leur talent, finissent dans la démence, comme Charles Demailly, ou dans l’imbécillité, comme Coriolis. Les Goncourt ont, sur la femme, les idées du xviiie siècle qui l’a tenue, jusqu’à l’Émile de Rousseau, pour un animal joli, frivole, personnel et malfaisant.

Ce n’est pas un roman d’amour qu’il faut chercher dans Manette Salomon. L’amour y tient fort peu de place. C’est un livre d’art où il est donné à l’observation et aux libres développements beaucoup plus qu’à la fable suivie et à l’invention romanesque. C’est une série de tableaux que relie, sans grand souci de la route ordinaire que suivent les conteurs, l’histoire à larges mailles d’une femme anéantissant lentement un tempérament d’artiste et un caractère d’homme.

Le titre primitif que portait le livre, l’Atelier Langibout, élastique et moins circonscrit, rendait plus justement la variété des sujets traités, la multiplicité des types et le débordement des incidences. Transportant dans le domaine littéraire les procédés de facture des peintres, leurs termes colorés, le bric-à-brac des mots et les gambades capricieuses de leurs discussions, leurs passions, avec ses enthousiasmes et ses dénigre-